"La Provence" a réuni Teddy Tamgho, le triple sauteur français et Stéphane Mbia, le défenseur de l'OM. Rencontre ...
Si Stéphane Mbia a déboulé pile à l'heure au rendez-vous fixé par La Provence (*), Teddy Tamgho a eu plus de mal à trouver sa route en provenance de Boulouris, où il venait d'achever un stage de préparation. À sa décharge, le triple sauteur français, recordman du monde en salle avec un bond à 17 m 92, ne connaissait pas Marseille. En l'attendant, le défenseur de l'OM s'est retrouvé comme chez lui au Sofitel Vieux-Port. Un hôtel dans lequel il a séjourné pendant quatre mois.
Les bises ont claqué et les petits mots ont fusé envers le personnel. "Je me sens à la maison ici, glisse le Lion indomptable. J'y étais en même temps que "Souley" et le coach aussi." 40 minutes et quelques soucis de GPS plus tard, l'as du triple show a débarqué. "Les Camerounais n'ont pas le sens de l'orientation..." chambre déjà Mbia. Coup d'envoi de l'entretien croisé.
- Vous connaissiez-vous avant lafinale de la coupe de la Ligue ?
Teddy Tamgho : Non, on s'est rencontrés au Stade de France. C'est lui qui m'a dit de venirsur la pelouse !
Stéphane Mbia : Je lui ai dit : "Viens, on va prendre la photo !" Certains coéquipiers se posaient des questions...
T.T.: Le lendemain, j'ai vu ma tête en photo avec l'OM sur toutes les Unes de journaux ! (rire)
- Avant cela, Teddy avait donné le coup d'envoi...
S.M. : Il n'a pas donné le coup d'envoi, il m'a fait une passe décisive ! Tout le monde dans l'équipe m'a regardé en me disant : "Pourquoi il te vise ?"
T.T. : J'ai eu peur... Une fois que je suis remonté en tribunes, j'ai vu Steph' se plaindre et sortir sur blessure : j'ai cru qu'il s'était blessé à cause de ma passe !
- Vous avez des racines communes : l'un est né au Cameroun, l'autre en est originaire. Ça rapproche ?
S.M. : Je suis Bamiléké (groupe ethnique présent à l'Ouest du Cameroun, ndlr). On est tous solidaires. Teddy, c'est mon frère.
T.T. : Moi, je suis Ewondo (au Sud du Cameroun). Même si je suis né en France, mes racines sont très importantes. Je me sens autant Camerounais que Français.
- Quel regard portez-vous sur les écarts entre vos deux sports ?
S.M. : Ça n'a rien à voir. C'est vraiment très dur, je tire mon chapeau aux athlètes. Ils doivent défendre leur nation et ils sont dans l'obligation d'être très performants pour attirer les contrats publicitaires.
T.T. : C'est normal qu'il y ait beaucoup d'argent dans un système qui génère autant de flux financiers. Aujourd'hui, Usain Bolt est tellement connu qu'il a un salaire de footballeur. L'engouement qu'il a suscité a marché. Je n'en suis pas encore là mais, en tant que numéro un mondial dans ma discipline, je n'ai pas à me plaindre pour manger. Dieu merci, c'est le cadet de mes soucis. Et même si je reste loin des salaires de L1...
- Vous êtes dirigés par deux champions, Ivan Pedroso et Didier Deschamps...
T.T. : Ivan, c'est LA légende cubaine ! Il m'apporte toute son expérience. Il me permet d'anticiper, de ne pas commettre les mêmes erreurs que lui.
S.M. : Avec Didier, c'est une relation comme entre un père et son fils: 'Fais pas ci, fais pas ça'. Mais il te dit les choses pour que tu prennes conscience de ce qui est bien ou pas, pour que tu progresses. C'est grâce à lui si je suis à l'OM. Il me voulait absolument.
- Quel est votre sport favori en dehors de vos disciplines ?
S.M. : Le basket ! J'adore ça. Je regardais même les matches diffusés à 4h du matin mais le coach m'a dit d'arrêter. (rires) Ronny Turiaf m'invite tout le temps mais je n'ai pas le temps d'y aller...
T.T. : Et moi, je vais tout faire pour voir le prochain All Star Game, à Orlando... Le concours de dunks, c'est mon rêve !
- Partagez-vous la passion des vêtements ?
T.T. : Petit à petit... Je vais suivre les conseils de Stéphane. Mais, de toute façon, les Camerounais savent s'habiller...
S.M. : C'est naturel chez nous. (éclats de rire) Les Camerounais, c'est la classe !
D'où vient votre goût du spectacle et du show ?
T.T. : Ce sont les origines camerounaises qui parlent...
S.M. : On a ça dans le sang !
T.T. : Le Camerounais aime être mis en avant, montrer qu'il est le plus fort ! C'est venu quand j'étais tout petit, à force de me frotter à des jeunes plus costauds que moi. S.M. : Le principal, c'est de respecter l'adversaire. Mais il est important de montrer qu'on est là, qu'on va s'imposer et s'affirmer.
C'est de la prétention ? De la provoc ? Rien de tout ça ?
T.T. : Beaucoup de gens me disent que j'en fais trop... Mais on ne peut pas faire l'unanimité. Même Dieu est contesté ! Ce n'est donc pas moi, simple être humain, qui vais être plébiscité. De toute façon, je suis là pour tracer ma route, faire vibrer mon public, avancer avec les gens qui me soutiennent. Le reste...
S.M. : En ce qui me concerne, ce n'est pas de la provoc, c'est un état d'esprit. Ça fait partie du jeu. On est pareil avec Teddy. On fait le show pour essayer de faire plaisir à ceux qui sont là. Quand on joue dans un stade comme le Vélodrome, c'est aussi un moyen d'évacuer la pression...
T.T. : Complètement ! C'est difficile de rester stoïque. Il faut que j'extériorise avant de prendre ma course d'élan. Il faut décompresser car, si on ne le fait pas, on peut commettre des fautes...
S.M. : Ou se blesser, comme ça m'est arrivé au Stade de France. Je suis persuadé que j'ai trop pensé à la finale sans décompresser. Je voulais trop bien faire et mon corps a lâché.
En parlant de provocation, qu'avez-vous pensé du chant de Taye Taiwo ?
T.T. : Je ne l'ai pas entendu sur l'instant. C'est seulement le lendemain que j'ai vu les images.
En tant que supporter du PSG, comment l'avez-vous vécu ?
T.T. : Je suis supporter mais pas non plus pro-parisien. Ça reste du sport. Ceci dit, je ne suis pas d'accord avec Taiwo. Il n'avait pas à dire ça. C'est un sportif de haut niveau, il doit montrer l'exemple. Il y a des codes à respecter. Maintenant, il ne faut pas oublier qu'il a fait ça sous le coup de l'euphorie...
S.M. : Tout à fait. Nos supporters chantaient déjà, on s'est approchés d'eux pour continuer à mettre l'ambiance. Mais, en aucun cas, cela n'a été fait pour blesser ou choquer...
T.T. : Je me suis mis dans la situation inverse: j'imaginais une finale au Vélodrome et un joueur du PSG chanter le même refrain. Cela aurait pu mal tourner aussi...
À Marseille, lors du défilé pour le titre en mai dernier, cela n'avait ému personne...
S.M. : C'est vrai...
T.T. : Oui, mais il était chez lui. Là, il était sur le terrain du rival historique.
Que pensez-vous de l'ampleur de la polémique ?
S.M. : Cela n'aurait jamais dû prendre cette tournure ! Pour douze secondes, vous imaginez! Du coup, la presse nationale en a fait des pages et des pages et, maintenant, on est convoqués devant le Conseil national de l'éthique...
T.T. : Ah oui ? Toi aussi ?
S.M. : Eh oui, parce que je dis : "Encore" et que ça se voit sur la vidéo... Je pense qu'en visionnant les images, le CNE verra que les supporters chantaient avant notre arrivée et que l'on a fait ça sous le coup de la joie.
T.T. : Il y a des règles... Mais convoquer quelqu'un pour une phrase prononcée après un match, alors que tout le stade le chantait depuis le coup d'envoi, je trouve ça moyen. Je comprends la Fédération mais je ne suis pas d'accord. Ce sont juste des mots. Et puis, il a prouvé son attachement pour Marseille ! Le rappeur Booba n'est pas passé en commission quand il a dit "Ici c'est Paris, fuck l'OM !" Pourtant, tous les Parisiens étaient heureux. C'est juste du buzz ! Mais cela n'empêchera pas Taiwo de signer à Paris si le club le veut...
S.M. : Oh non, il n'ira pas à Paris. Il a signé au MilanAC...